Relation d'une affaire qui permit à l'avocat des copieurs (l'AFB) de casser le système tarifaire du CFC et d'obtenir des conditions financières plus qu'intéressantes pour les copies papiers en entreprise.
Il serait passionnant un jour de donner une relation complète de cette affaire exemplaire à plus d'un titre. Nous en donnerons ici simplement les grandes lignes et en tirerons surtout les conséquences concrètes et enseignements pour nos métiers.
Le contentieux
Au printemps de 1997 l'Association française des banques (AFB) entra en négociations avec le CFC en vue d'un accord global. N'ayant pas trouvé de terrain d'entente, les négociations furent rompues avant l'été. Le 24 juillet 1997, le CFC assignait au civil, en procédure d'urgence, à jour fixe, l'AFB en justice pour la revue de presse qu'elle faisait confectionner en externe mais reproduisait ensuite en interne. L'audience était fixée au 5 novembre, ce qui laissait peu de temps aux avocats pour fourbir leurs armes.
Le système de défense de l'AFB va se mettre en place.
Sur le contentieux lui-même l'avocat s'attacha à montrer qu'il ne s'agissait pas d'une simple affaire entre l'AFB et le CFC mais d'une affaire nationale qui regardait une profession entière et des pratiques courantes en entreprises. Il obtint le soutien actif, par la voie d'une intervention volontaire, dans l'action judiciaire, de quatre grandes banques membres de l'AFB et de Légitime Copie. Pour montrer la complexité de la question, il obtint aussi l'intervention volontaire d'un auteur bénévole, enseignant-chercheur en médecine. Il présenta, en son nom, deux séries d'arguments. D'une part, pour un chercheur, il y a obligation de publier bénévolement. D'autre part, ceux-ci doivent payer pour être publiés dans les grandes revues médicales ce qui leur apporte des points pour leur avancement de carrière. Ainsi, étaient cités des cas de publication d'un article coûtant environ 30 000 F. Enfin, il montrait que lorsqu'un article médical donne des informations de nature à sauver la vie de malades, il n'est pas question de songer à payer des droits d'auteur, et l'article est immédiatement copié et diffusé dans les services, au nom d'une sorte d'impératif de santé publique.
Sur un terrain différent, le juriste interne de l'AFB lança un autre contre-feu. Il fit déposer un recours gracieux auprès du ministre de la culture par des avocats habilités à plaider devant le Conseil d'État, en vue de retirer l'arrêté d'agrément du CFC, parce que non conforme aux articles 85 et 86 du traité de Rome (abus de position dominante : il était prévu « des » sociétés de gestion agréées par les textes, or une seule avait été agréée, créant une situation de monopole illicite), et parce que le CFC pratiquait des tarifs manifestement inégalitaires par rapport aux autres pays européens (avec des rapports de un à dix constatés entre certains pays et le CFC). Le silence du ministre valant refus implicite au bout de deux mois, un recours pour excès de pouvoir sur les mêmes bases fut introduit en vue de faire annuler l'arrêté en question devant le Conseil d'État...
L'instance
À l'audience du 5 novembre, les juges considérèrent qu'il n'y avait pas urgence à statuer sur la question des revues de presse de l'AFB, et au vu de la complexité des pièces du dossier, ordonnèrent la mise en état de l'affaire, c'est-à-dire l'équivalent d'une instruction pénale, mais au civil. Une première manche était gagnée. L'affaire s'enlisa alors dans la procédure, échanges de pièces entre avocats, etc., avec la lenteur qu'on connaît à la justice et qui jouait bien sûr, ici en faveur de l'AFB.
De sorte que le CFC perdit patience, menacé à terme qu'il était, par le recours pour excès de pouvoir. Il assigna, cette fois-ci au pénal, les président et vice-présidents de l'AFB en contrefaçon. Ces honorables personnages (directeurs de nos plus grandes banques) estimèrent alors plus prudent de demander à leur avocat de rechercher les voies d'un accord équitable.
La négociation
Celle-ci fut très longue et orageuse, avec deux ou trois ruptures. Mais elle aboutit finalement, en mars 1999, à un accord, qu'on peut qualifier d'historique. Livre Hebdo fit passer le communiqué de presse triomphant du CFC : « Le CFC fait plier les banques ». En fait de capitulation, c'était bien l'inverse qui s'était passé. Mais ni le communiqué de l'ADBS, ni celui de Légitime Copie ne furent publiés.
Partis de leurs demandes habituelles qui déjà s'étaient modérées, autour de 50 centimes la page, on arrivait à un accord sur une tout autre base : un forfait annuel par nombre de salariés. Bien sûr, l'AFB groupant des banques totalisant 200 000 salariés, si l'on multipliait ce chiffre par les 12 F par an et par salarié obtenus, il y avait de quoi impressionner les lecteurs de Livre Hebdo. Mais si l'on y regarde bien, cela suppose que, même au tarif le plus modeste de 50 centimes la page, chaque salarié ne réaliserait pas plus de 24 copies par an ! Certes, sur la masse, tous les salariés ne font pas journellement des copies en nombre, mais certains en font, bien sûr, infiniment plus que d'autres.
Conclusion
Déjà en mai 1998, une convention de ce type avait été adoptée, pour la Conférence des Grandes écoles (qui groupe toutes les grandes écoles de France, certaines écoles de commerces et certains instituts d'administration des entreprises - IAE) sur la base de 12 F par étudiant et par an. Devant la modicité des tarifs, le CFC avait clairement déclaré que tel était le cas du fait du caractère pédagogique et non lucratif des écoles. Et voici qu'on retrouvait le même tarif pour un secteur qu'on ne peut pas vraiment considérer comme non lucratif...
En fait, l'action de l'ADBS, de Légitime Copie et de son avocat - lequel fut choisi comme avocat de l'AFB pour la circonstance - avait porté ses fruits. Le système tarifaire du CFC absurde et ingérable était cassé. Mais il convient de rester vigilant. Tout le travail du CFC consiste, à présent, à réévaluer les tarifs, en passant rapidement de 12 à 40 F (prétentions pour les Universités). Il est à craindre qu'ils ne s'arrêtent pas là.
2001 - révision 2003
Voir aussi fiche sur le CFC, notre Critique de la loi de 1995 et celle de Me Bertrand