La question, ainsi posée, peut paraître étonnante, tant la réponse par l'affirmative semblerait évidente.
Œuvre d'auteur et originalité
Rappelons que le droit d'auteur protège toute création de forme – comme par exemple agencer des mots dans des phrases, des phrases dans des paragraphes, etc. lesquels agencement constituent une "œuvre de l'esprit" pour reprendre la terminologie chère au législateur – entendons "œuvre d'auteur".
En principe donc, dès l'instant où le photographe a choisi volontairement le cadrage de l'image qu'il va créer, au besoin l'éclairage, la profondeur de champ, le flou artistique… il devient semble-t-il l'auteur du cliché ainsi réalisé.
Toute la question tourne autour de cette notion cruciale et essentielle de tout l'édifice du droit d'auteur et de la création littéraire et artistique : l'originalité en droit d'auteur.
Nous nous sommes déjà penché spécifiquement sur ce critère fondamental de l'originalité, au sens juridique du terme, en l'absence duquel aucun droit d'auteur ne peut naître sur une création intellectuelle. Voir sur ce sujet notre actualité générale sur l'originalité en droit d'auteur du 2 février 2016 et celle déjà plus en situation à propos de photographies non-originales du 24 janvier 2020. Nous avions également signalé un intéressant article sur ce même sujet, illustré par une expérience vécue, le 22 novembre 2019.
Un article à contre-courant
Voici que paraît hier 22 avril, sur le site du Village de la justice un article au titre étonnant : "Non, une photographie n’est pas une œuvre originale !" sous la plume de Me Alexandre Lazarègue, ce même avocat dont nous signalions déjà l'article dans notre actualité précitée du 22 novembre 2019.
Ainsi que l'auteur l'explique :
"Si l’intitulé de notre article est volontairement provocateur, il correspond pourtant parfaitement à une réalité juridique bien affirmée par les juridictions : le plus souvent une photographie n’est pas une œuvre originale et ne peut faire l’objet d’une revendication en propriété !"
Tout l'article est instructif notamment en ce qu'il tourne autour de ce "flou artistique" laissé par le législateur quant à la définition de l'originalité en droit d'auteur. Ceci rejoint ce que nous avons nommé les "zones grises du droit" (notre actualité du 27 août 2012), au nombre desquelles figure précisément l'originalité en droit d'auteur.
L'auteur conclut son article :
"Puisse le législateur se saisir de cette question et dessiner un régime juridique clair quant à la protection des œuvres artistiques. Si la lutte contre la contrefaçon est un combat légitime, il ne peut se faire sur la base d’un concept aussi incertain et en définitive dangereux pour la sécurité juridique du justiciable."
Nous ne partageons pas totalement ce point de vue et notre actualité du 27 août présente ces zones grises du droit comme inévitables, et du reste comblées par la jurisprudence qui au fil du temps, dessine les contours et définissent les frontières au milieu de ces "no man's lands" que nous nommons "zones grises". À trop vouloir tout enfermer dans des textes normatifs ultra-précis, ne prend-on par le risque d'enfermer tout simplement la vie dans des interdits byzantins à n'en plus finir ?
Mais cet article, tout comme le précédent du même auteur, mérite d'être lu et présente l'intérêt d'ouvrir le débat et de stimuler la réflexion.
Aller plus loin
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