Fabrice Molinaro a déjà rendu compte du fait divers sur notre blog Votre-reputation.com le 21 septembre : une Autrichienne de 18 ans a porté plainte contre ses parents qui avaient refusé de retirer les nombreuses photos d’elle enfant postées sur leur compte Facebook.
C'est l'occasion pour nous de revenir sur l'arsenal juridique actuel mais aussi à venir. Comme l'indique l'avocat consulté dans l'article de 20 Minutes mentionné relatant les faits, il existe le droit à l'image ainsi que le droit au déréférencement, mais ce ne sont pas là les seuls terrains possibles.
Un droit sur son image
Toute personne dispose d'un droit sur son image, du fait que l'image d'un individu constitue un des "attributs de la personne", donc un élément inaliénable, sur lequel il est possible à tout moment d'intervenir. C'est pourquoi la jurisprudence enferme classiquement les autorisations d'exploitation de l'image d'une personne dans un délai très court, car l'intéressé doit pouvoir facilement renoncer à cette autorisation et faire retirer son image. Le droit autrichien connaît aussi le droit à l'image et celui-ci n'est certainement pas distinct de notre pratique jurisprudentielle française. La jeune Autrichienne est donc fondée à attaquer ses parents, notamment sur ce terrain. Le plus étonnant est que, d'ordinaire, ce sont les parents qui prennent fait et cause pour leur enfant contre des diffuseurs d'images indélicats…
Le droit au déréférencement, pour mieux oublier…
Quant au droit au déréférencement, dont les bases légales ont été rappelées par le mémorable arrêt du 13 mai 2014 de la Cour de Justice de l'Union européenne, il a été très largement commenté sur ce site et sur Votre-reputation.com. Ce droit s'applique pour des photos en ce sens que toute image permettant d'identifier une personne est classée dans la catégorie des "données à caractère personnel".
Mais cette pratique du "droit au déréférencement" — et non de "droit à l'oubli" comme on l'a hâtivement dénommé au début — ne concerne en fait pas les sites diffusant des données à caractère personnel, dont des images, mais uniquement les outils de référencement de ces sites que sont les moteurs de recherche. Et ce droit s'applique bien entendu dans tous les États membres de l'Union européenne, donc en Autriche. À ceci près qu'il est sans effet pour obtenir le retrait des images de la jeune femme — et non un lien vers celles-ci — sur le compte Facebook de ses parents.
D'autres disposition protectrices
Mais ce que ne disent ni l'avocat consulté ni l'auteur de l'article précité, c'est qu'il existe d'autres moyens de protéger les données concernant les mineurs.
Le droit d'opposition
Il est une disposition de la loi du 6 janvier 1978 Informatique, fichiers et libertés qu'il est tout à fait possible de mettre en œuvre dans un cas comme celui visé, c'est le droit d'opposition : droit de s'opposer pour des motifs légitimes, à ce que des données concernant l'intéressé soient traitées. Ici les "motifs légitimes" sont bien présents puisque la jeune femme devenue majeure, n'avait pas, à l'époque de leur publication, pu exercer son contrôle personnel sur ses images, étant légalement représentée par ses parents.
Cette disposition étant issue de la directive de 1995, on doit aussi la retrouver dans la loi autrichienne.
La future loi pour une République numérique
Passons sur les actuelles mesures de protection des mineurs qui protègent plutôt ceux-ci de la vue d'images choquantes pour eux. Mais il se trouve que la future loi pour une République numérique, qui devrait être promulguée dans les semaines à venir (notre actualité du 23 août 2016) a spécifiquement prévu un droit à l'oubli — un vrai ! — pour les données concernant les personnes du temps de leur minorité. C'est un futur point II de l'actuel article 40 de la loi du 6 janvier 1978 précitée (droit de rectification et de suppression) qui prévoira le droit à l'effacement de données personnelles "lorsque la personne concernée était mineure au moment de la collecte".
C'est exactement le cas du litige évoqué.
Le règlement général sur la protection des données
Le règlement européen publié le 4 mai 2016, destiné à remplacer définitivement à partir du 24 mai 2018 les actuelles loi Informatique et libertés de tous les États de l'Union, prévoit lui aussi un droit d'opposition et même un "droit à l'effacement" dans divers cas dans lesquels peuvent entrer le litige précité (article 17).
On le voit, le droit actuel et à venir ne manquent pas d'arguments de textes pour rendre solubles des situations délicates du type de celle visée ici.
En savoir plus
Voir le Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), notamment son article 17 :
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=uriserv:OJ.L_.2016.119.01.0001.01.FR