Le site Numérama a révélé, le 16 février dernier, de bien étranges positions et pratiques juridiques de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI).
La "contravention de négligence caractérisée", arme de la HADOPI
Rappelons rapidement quelques évidences.
Contrairement à ce qui se dit trop souvent, la HADOPI n'est pas là pour poursuivre les pirates qui téléchargeraient des œuvres d'auteur au mépris des droits de ceux-ci. Cette lutte contre le piratage se fonde sur le code de la propriété intellectuelle et sur le délit de contrefaçon et relève encore en France des juridictions civiles.
Ce dont la HADOPI est chargée, c'est d'instrumentaliser la "contravention de négligence caractérisée" instituée par le Décret n° 2010-695 du 25 juin 2010 instituant une contravention de négligence caractérisée protégeant la propriété littéraire et artistique sur internet (voir notre actualité du 27 juin 2010).
Pour ce faire, la Haute autorité reçoit des procès-verbaux de la part des agents des sociétés de gestion de droits d'auteur, habilités à surveiller le réseau. Ces procès-verbaux précisent sur quelles adresses IP ont été constatés des téléchargements illégaux d'oeuvres. C'est à partir de là que la HADOPI avertit le titulaire de l'adresse IP du fait que des téléchargements ont eu lieu sous sa responsabilité. On sait que le premier avertissement est sans conséquence, puis c'est la première étape de la "riposte graduée" avec l'escalade des menaces puis la verbalisation en raison de la contravention sus-visée.
On se souvient aussi que la première loi HADOPI de juin 2009 avait été retoquée en partie par le Conseil constitutionnel parce qu'elle ne prenait pas assez en compte les droits de la défense.
Des droits de la défense bafoués par la HADOPI ?
Voici qu'à la suite d'un de ces avertissements, une personne avertie a demandé communication du procès-verbal mettant sa ligne en cause. Refus de la Haute autorité, au motif que ce PV ne contient pas de donnée à caractère personnel...
Or pour contacter et avertir une personne, il faut bien l'identifier : c'est l'adresse IP qui tient lieu d'identifiant.
Mais la HADOPI considère qu'une adresse IP n'est pas une donnée à caractère personnelle, s'appuyant sur une décision, plus nuancée que cela, de la Cour de cassation.
Un raisonnement en cercle vicieux
Un tel raisonnement semble entaché de vice de logique :
Si une adresse IP n'est pas une donnée à caractère personnelle, comment la HADOPI peut-elle contacter la personne responsable de la ligne Internet, puisque de son point de vue, il n'y a pas d'identification possible ?
Et si l'adresse IP n'est pas un donnée personnelle, en vertu du principe de la personnalité des peines, en droit pénal, comment, à terme, la HADOPI pourra-t-elle prononcer une contravention de négligence caractérisée contre un personne qui, comme elle le soutient, n'est pas identifiable ?
Ou alors, faut-il considérer que pour coincer un citoyen, la donnée est personnelle, mais pour qu'il se défende, la même donnée ne l'est pas ?
Décidément, le dispositif HADOPI n'en finit pas de nous étonner...
Voir sur le site Numérama les deux articles de Guillaume Champeau :
L'Hadopi refuse de transmettre leur PV aux abonnés avertis ! 16 février 2011, 11h14 :
www.numerama.com/magazine/18078-l-hadopi-refuse-de-transmettre-leur-pv-aux-abonnes-avertis.html
L'Hadopi affirme que l'adresse IP n'est pas une donnée personnelle, 16 février 2011, 15h54 :
www.numerama.com/magazine/18084-l-hadopi-affirme-que-l-adresse-ip-n-est-pas-une-donnee-personnelle.html