Le tribunal judiciaire de Paris a rendu le 11 août dernier une ordonnance de référé (procédure d’urgence) précisant longuement les conditions à réunir pour se faire communiquer l’identité des personnes se livrant à du cyberharcèlement caractérisé.
Les faits en bref
Une cadre au sein d’une entreprise utilisait à titre professionnel son compte créé sur le réseau LinkedIn. Elle a subi sur celui-ci, pendant un an, des messages agressifs et grossiers l’attaquant sur sa vie privée et son aspect physique, soit par des messages publics, soit via sa messagerie privée. Son avocat a alors demandé au tribunal judiciaire d’ordonner à LinkedIn de communiquer l’identité des personnes se cachant derrière la demi-douzaine de pseudonymes qui l'attaquaient. Refus du tribunal au motif qu’il ne peut être dérogé au principe du contradictoire : il fallait aussi entendre la position en défense de LinkedIn, tout cela pour une simple mesure de communication de l’identité des harceleurs. La demandeuse a donc lancé cette action en référé qui était prononcée en délibéré le 11 août dernier, pour des faits qui avaient démarré en décembre 2021. Pas étonnant, au bout de ce temps, que la personne ait pu apporter la preuve – certificat médical à l’appui – que les faits remplissaient les conditions du cyberharcèlement, défini à l’article 222-33-2-2 du Code pénal comme « le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale (…) ».
L’ordonnance de référé
La longue décision est extrêmement technique, se basant notamment sur les règles de procédure pénale.
En synthèse, le président du tribunal judiciaire statuant en référé souligne qu’il ne s’agit pas pour lui de décider si oui ou non le délit de cyberharcèlement est constitué, mais si les circonstances sont telles que toutes les conditions sont réunies pour lancer des poursuites sur ce terrain, le rôle du président étant dans ce cas uniquement d’ordonner à LinkedIn de communiquer les identités des auteurs des messages litigieux en vue de poursuites pénales.
Plus d’un an de pré-procédure…
Nous restons perplexe – et choqué – face au délai qu’a mis cette affaire pour obtenir uniquement le droit de connaître qui poursuivre. Ce n’est en effet qu’à partir de cette ordonnance du 11 août que LinkedIn a dû communiquer les informations nominatives permettant à l’avocat de la plaignante de lancer les poursuites. Ce qui veut dire que la procédure au fond commence à peine.
Et en attendant, il est permis de penser que les messages injurieux sont toujours en ligne sur le compte de la victime ; rien n’est dit dans cette longue ordonnance sur l’éventuel retrait des contenus litigieux.
Bien sûr nous ne connaissons pas le dossier dans toutes ses facettes. Cependant, il convient de constater que la situation déplorable de la justice dans notre pays trouve ici une cruelle illustration. Rappelons qu’une procédure en référé a pour but d’intervenir à titre conservatoire et dans l’urgence, avant tout procès sur le fond de l’affaire. Nous ne savons rien non plus du pourquoi de la première procédure qui apparemment n’était pas la bonne et qui a donc échoué et fait perdre du temps – et de l'argent –à la plaignante.
Un nettoyage juridique direct souvent plus rapide
Quoiqu'il en soit, nous comprenons pourquoi nous sommes régulièrement sollicités pour procéder au nettoyage de contenus de ce type par des approches directes des responsables – en l’occurrence ici LinkedIn – assumant une responsabilité non négligeable sur le maintien en ligne de tels propos sur la plateforme qu'ils gèrent. Nous le faisons sur la base d’arguments juridiques mais par approche directe des responsables, et non par la voie judiciaire. Lorsque nous parvenons à nettoyer, comme c'est très souvent le cas, le client est soulagé de ne plus voir les contenus en ligne – ce qui est pour lui l’essentiel. Ce qui n’empêche pas que, comme dans cette affaire, des constats d’huissiers en ligne permettent de fixer les contenus avant leur suppression, pour les poursuivre même après coup, dans le but de faire condamner les auteurs des messages et d’obtenir réparation par des dommages-intérêts en rapport avec le préjudice subi.
En savoir plus
Pour ceux qui voudraient se plonger dans les méandres de la technique juridique, lire cette longue ordonnance de référée du 11 août 2021 publiée sur Legalis.net et la présentation de la décision sur ce site.
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