Un magnifique trompe-l'oeil
Nombre d’organismes traitant de données considèrent souvent en être les propriétaires.
Pourtant, rien dans le droit ne permet d'affirmer qu'il puisse exister une quelconque propriété sur des données, du seul fait qu'elles ont été collectées par une personne — physique ou morale. Bien au contraire, une donnée est une portion d'information ; or les informations sont libres de droit d'où le principe de liberté de circulation des informations
Par ailleurs, ce qu'il est convenu d'appeler des données brutes, ne font que rendre compte d'une réalité par des moyens de mesure convenus. Il en est ainsi des relevés de température météorologiques, des cours boursiers, des données topographiques, etc.
Quant bien même les données seraient traitées, notamment par des méthodes obéissant à des protocoles prédéfinis, elles n'en acquièrent pas pour autant un nouveau statut juridique.
La protection des bases de données
En revanche, ce qui peut être protégé, c'est une collection de données, ou, comme le formule le code de la propriété intellectuelle (CPI), "un recueil d'œuvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen". Cette définition est celle des bases de données, au sens juridique du terme, largement plus vaste que son sens purement informatique (article L.122.3 al. 2 CPI).
Des données indirectement protégées mais non appropriées
Un sorte d'appropriation des données peut jouer par d'autres biais.
Données à caractère personnel
Les données à caractère personnel peuvent être considérées comme la propriété des personnes physiques qu'elles concernent, mais là encore, il s'agit d'une formulation commode mais non rigoureuse : il n'y a pas à proprement parler de propriété mais un droit au contrôle du traitement de telles données, aux termes de la loi Informatique, fichiers et libertés.
Données confidentielles
Il s'agit de données issues de diverses pratiques professionnelles, telles que secret de l'instruction, le secret professionnel liant un avocat à son client, un médecin à son patient, un travailleur social à ses publics...
Les secrets d'affaitres
Il existe aussi des données et des informations protégées par le secret de fabrique (article L.621-1 CPI) ou contractuellement par la réservation du savoi-faire.
Du nouveau législatif ?
Nous avons vu récemment (notre actualité du 16 décembre 2010) que le Gouvernement prévoit de renforcer légalement les secrets d'affaire et le député Bernard Caraillon a récemment déclaré qu'il allait déposer une nouvelle proposition de loi sur le sujet.
Synthèse
L’analyse juridique de la propriété des données est parfaitement résumée par Maître Alain Bensoussan :
« En France, comme dans de nombreux pays, la notion de propriété des données n'a pas de statut juridique en tant que tel. La propriété ne peut porter que sur la création intellectuelle de ces données (propriété intellectuelle telle que droit d'auteur, droit des marques, brevet), relever du domaine des informations « réservées » (car confidentielles), ou encore appartenir à des personnes physiques parce que constituant des données sur leur personne ou sur leur vie privée, et faire précisément l’objet d’une protection à partir des droits de la personnalité, à l’exclusion de tous droits de propriété. Il en est ainsi notamment du droit à l’image, du droit à la voix et du droit à la protection de sa vie privée ».
Source : La propriété des données, 18 mai 2010, Blog Expert du Figaro sur le Droit des technologies avancées : http://blog.lefigaro.fr/bensoussan/2010/05/la-propriete-des-donnees.html