Rapide historique
Une société de gestion collective…
Ex Centre français du copyright, le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) a été créé par des éditeurs en 1983 avec pour objectif de faire payer des droits d’auteur aux diffuseurs de documents protégés par celui-ci : livres et presse papier : démarche « amiable » et contractuelle (mais sous menace d’un procès en contrefaçon…)
... Exclusivement agréée pour le papier
Comme beaucoup de grandes maisons (ministères, grandes sociétés publiques ou privées telles que les banques, les compagnies d’assurance) refusaient de payer, le Parlement a voté une loi sur la reproduction par reprographie (photocopies) obligeant les diffuseurs de copies papier à négocier avec une société agréée. Cette loi du 3 janvier 1995, que Me Bertrand qualifiera de scélérate (voir ci-dessous, lien vers l'article), fonde la nouvelle légitimité du CFC, agréé par le ministre de la culture à partir de juillet 1996.
L’affaire CFC / AFB
Dans ce nouveau contexte, guère plus motivant pour les diffuseurs, le CFC cherche à faire un coup d’éclat en 1997, en assignant en justice l’Association française des banques (AFB, aujourd’hui Fédération bancaire française — FBF) pour la revue de presse que celle-ci diffusait à ses membres. Le contentieux, mi-judiciaire mi-amiable, tourne à la confusion du CFC en mars 1999 : son système tarifaire à la page est cassé par la persévérance de l’avocat des banques et la somme versée au CFC, bien qu’apparemment importante, est dérisoire en regard des sommes attendues. Le CFC n’en affiche pas moins un triomphalisme qui n’illusionne que les naïfs.
La menace du numérique
Mais le danger pour le CFC n’est pas que dans ses fondements juridiques douteux (voir plus loin), il est surtout dans l’émergence du numérique : le CFC n’est officiellement agréé que pour le papier. Il ne peut en aucun cas l’être — même si des agents du CFC prétendent le contraire pour intimider les « clients » — puisque aucune loi ne le prévoit, comme le reconnaissait Philippe Masseron lui-même, alors directeur juridique du CFC. Il devient donc vite évident que le domaine exclusif d’intervention du CFC rétrécit rapidement au profit de pratiques numériques.
Des mandats limités et non exclusifs
Le CFC va alors chercher à se faire mandater par les éditeurs de presse pour l’exploitation numérique. Les premiers mandats seront confiés dans la stricte limite des panoramas de presse en intranet, à l’exclusion de toute autre exploitation. Peu à peu, certains titres de presse ont confié au CFC des droits d’exploitation numérique plus vastes.
Les domaines d’intervention du CFC
Aujourd’hui, le CFC connaît donc deux champs d’intervention bien distincts.
Un guichet unique en matière de papier
Le Centre constitue un véritable guichet unique pour toute exploitation papier : panoramas de presse, exploitation en documentation, diffusion de supports de cours dans les écoles et formations.
Très important : la reproduction papier s’entend très précisément d’une copie réalisée à partir d’une source papier, vers un support papier. Dès l’instant que la source est numérique (capture sur Internet par exemple), ou que la diffusion est numérique (article papier scanné et envoyé par courriel), le CFC n’est plus compétent sur le terrain de son agrément officiel. Et il n’est pas sûr qu’il le soit sur le terrain numérique.
Un simple mandat non-exclusif pour certains titres en matière numérique
Les pionniers de la gestion des droits numériques ont été les agrégateurs de presse — Pressedd en France, Cedrom SNI au Canada, pour ne citer qu’eux — qui depuis des années cèdent des droits d’exploitation numérique à leurs clients. Le CFC n’est arrivé sur ce marché qu’en juin 2006. Comme les agrégateurs de presse, le CFC ne représente ici que les titres de presse qui l’ont mandaté, pour le seul périmètre du mandat (le plus souvent panoramas de presse sur intranet, pour certains titres aujourd’hui : toute exploitation sur intranet) et sans aucune exclusivité. De sorte que chaque diffuseur est libre de traiter pour un même titre, soit avec l’éditeur du titre, soit avec l’agrégateur de presse qui gère le titre, soit avec le CFC si celui-ci est mandaté pour celui-ci.
Des courriers mensongers
Nous détenons la preuve que le CFC n’hésite pas à envoyer des courriers mensongers aux termes desquels, moyennant un subtil amalgame, il laisse croire qu’il est agréé pour le numérique : « Le CFC est la société de gestion collective des auteurs et des éditeurs, agréé par le ministre de la culture, qui délivre notamment les autorisations de reproduire et de diffuser par voie électronique… » tentant ainsi d’intimider les organisations qu’il approche.
Une légitimité toujours discutable
Nous avons déjà largement contesté les fondements juridiques du CFC dans le passé (voir références ci-dessous) ; voici quelques arguments dont certains sont nouveaux.
Et les auteurs bénévoles ?
La justification du système est d’assurer la rémunération des auteurs via les éditeurs. Comment se fait-il alors que des redevances soient perçues alors même que les auteurs sont bénévoles dans beaucoup de publications, et parfois même paient pour être publiés ?
Les éditeurs hors la loi ?
Comment se fait-il que les éditeurs s’arrogent le rôle principal dans le système alors que la loi ne vise que les auteurs et leurs ayants-droit (héritiers) et non les ayants-cause (éditeurs et autres cessionnaires contractuels de droits) ? L’argument avait fait blêmir le gérant du CFC lors des négociations avec l’AFB.
Une loi qui viole les droits de l’homme ?
Comment se fait-il que la loi de 1995 ait confisqué une partie du droit de propriété de l’auteur, lequel constitue un des droits de l’homme « inviolable et sacré » ? aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (voir ci-dessous notre article sur le droit d’auteur des journalistes et l’article de Me Bertrand : Dépossession légale du droit d’auteur)
Les journalistes déjà expropriés
La loi du 12 juin 2009 ayant confisqué la totalité des droits d’exploitation des journalistes professionnels sans compensation de rémunération, le CFC, chargé de rémunérer les auteurs, n’aura plus à reverser de sommes aux éditeurs en vue de les répartir aux auteurs, donc plus à collecter ces sommes. Dès lors le CFC cesserait d’avoir son utilité sur ce terrain qui est tout de même le plus gros de son fonds de commerce. Ou alors faut-il penser que le modèle économique de l’éditeur de presse est plus que jamais celui d’un rentier : il verse un seul salaire au journaliste et lui se rémunère à chaque exploitation de l’œuvre, sans aucun intéressement pour l’auteur ? Dans ce cas, il faut cesser l’hypocrisie qui veut qu’on protège les auteurs, et il avouer que les entreprises de presse veulent surtout gagner de l’argent pour elles-mêmes sans aucun égard pour les cerveaux qui travaillent pour elles.
Des auteurs pas forcément cessionnaires de droits
Hormis le cas des journalistes professionnels, la plupart des auteurs d’articles de presse — notamment presse professionnelle — rémunérés ou bénévoles, n’ont pas forcément signé des accords pour voir leur œuvre exploitée à la fois sur le papier, sur le site de la revue, chez les agrégateurs de presse et aussi sur les intranets des diffuseurs. Rappelons que la loi fait obligation de préciser le périmètre d’exploitation cédé.
Comment négocier avec le CFC ?
La présentation succincte des faiblesses du CFC qui précède conduit à conseiller la plus grande prudence dans une négociation avec celui-ci. Outre les vérifications qui s’imposent au vu des arguments qui précèdent, voici quelques conseils de base.
Le CFC n’est pas en situation de monopole pour le numérique
Il importe de le mettre en concurrence, soit avec des agrégateurs de presse, soit avec une société homologue de l’un des pays de l’Union européenne (liberté de circulation des biens et des services).
Pour les collectivités publiques
La cession de droits d’auteur est une prestation de service comme une autre, relevant des marchés publics : un appel d’offre s’impose donc, aux termes desquels c’est la collectivité qui précise le volume de ses consommations et non le CFC qui décide en fonction de la taille de l’intranet. Il importe en outre d’exiger dans le cahier des charges de l'appel d'offres que le CFC apporte la preuve qu’il représente bien tous les auteurs (obligation de vérifier la réalité des cessions de droits entre professionnels). À défaut d’une telle preuve, l’appel d’offres peut légitimement être déclaré infructueux.
|cc| Didier Frochot — février 2010 — juin 2012
En savoir plus
Le site du CFC : www.cfcopies.com
Sur notre site
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