Le tribunal de grande instance de Paris vient de se prononcer, le 2 mars dernier, sur un litige concernant un nom de domaine composé des prénom et nom d'une personne totalement extérieure à ce dépôt et à l'activité de commerce en ligne — apparemment litigieuse — présente sur le site portant ce nom de domaine.
La victime de ce dépôt a donc demandé au déposant du nom de domaine le transfert de celui-ci à son bénéfice. Ce déposant n'ayant pas effectué le transfert, la victime l'a assignée en justice sur la double base juridique des règles de choix du nom de domaine (article 45-2 du code des postes et des communications électroniques) et du délit d'usurpation d'identité (article 226-4-1 du code pénal).
La décision du TGI
Pour ordonner le transfert du nom de domaine, le tribunal constate que :
Aux termes de l'article 45-2, 2°) du code des postes et des communications électroniques, "l’enregistrement ou le renouvellement des noms de domaine peut être refusé ou le nom de domaine supprimé lorsqu’il est susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, sauf si le demandeur justifie d’un intérêt légitime et agit de bonne foi."
Et que :
"Le nom patronymique d’une personne physique, même dépourvue de toute notoriété particulière, constitue un attribut de sa personnalité et celle-ci est en droit de s’opposer à toute utilisation à titre commercial de celui-ci par un tiers en cas de risque de confusion ou d’assimilation prouvé."
En conséquence :
"Le nom de domaine litigieux reproduisant à l’identique son prénom et son nom patronymique, madame X. a intérêt à solliciter son transfert à son profit auprès de la personne déclarée comme étant celle ayant procédé à son enregistrement."
Absence de délit pénal même s'il y a eu usurpation
Le dépôt de ce nom de domaine n'ayant pas été fait avec l'intention de nuire de la part de la personne déclarée comme déposante, ayant elle-même été victime d'usurpation d'identité, le délit pénal d'usurpation d'identité n'a pas été évoqué. L'aurait-il d'ailleurs été, il aurait alors fallu porter le litige devant le tribunal correctionnel, et non le tribunal civil (grande instance).
Le patronyme, attribut de la personnalité
Cette affaire vient rappeler que toute utilisation du patronyme d'une personne, liée à son prénom, surtout lorsque le patronyme revêt une certaine rareté, peut être constitutif d'une usurpation d'identité. Les juges rappellent en outre le statut juridique du patronyme en droit : il s'agit d'un attribut de la personnalité, tout comme l'image de la personne ou sa voix, tout comme le droit moral de l'auteur sur ses œuvres d'auteur. En conséquence de quoi la personne concernée doit seule décider de son usage ou l'autoriser aurpès de tiers.
En savoir plus
Voir le jugement du TGI de Paris du 2 mars 2017 sur Legaslis.net :
www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-de-grande-instance-de-paris-3eme-ch-1ere-sec-jugement-du-2-mars-2017/
Voir l'article 45-2 du code des postes et des communications électroniques sur Légifrance :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;?idSectionTA=LEGISCTA000006150688&cidTexte=LEGITEXT000006070987#LEGIARTI000028727647
Voir l'article 226-4-1 du code pénal définissant le délit d'usurpation d'identité :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;?idSectionTA=LEGISCTA000006165309&cidTexte=LEGITEXT000006070719#LEGIARTI000023709201
Voir notre actualité du 30 mars 2001 sur la récente création du délit d'usurpation d'identité dans notre droit.