Non, ce n'est pas un poisson d'avril, la très sérieuse
Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a fait l'objet, le 14 décembre dernier d'une occupation de ses locaux et d'une annonce de dissolution sauvage.
Une soixantaine de manifestants (chiffre le plus souvent donné par la presse, entre "quelques dizaines et "une centaine" pour le
Nouvel Observateur), issus d'associations et de collectifs opposés au fichage informatique, ont donc occupé les locaux de la CNIL le 14 décembre au matin et l'ont déclarée dissoute, "imposant un débat" avec les personnels de l'institution.
Des calicots ont été pendus sur la façade du bâtiment, rue Vivienne, sur lesquels on pouvait lire notamment "
Informatique ou Liberté : il faut choisir !"
En début d'après-midi, l'établissement a été évacué par les forces de Gendarmerie.
Ce coup d'éclat permet de mettre particulièrement en évidence les dangers du fichage informatique pour les libertés des citoyens. En cela, ce n'est sans doute pas une mauvaise chose. Mais rappelons que c'est aussi à chaque citoyen de prendre son destin en main, et notamment de porter plainte auprès de la CNIL lorsqu'il s'estime indûment fiché.
Les manifestants — pour prendre comme cible la CNIL, autorité administrative
indépendante, censée protéger les citoyens — lui reprochent, mais sans aucune démonstration, son étroite relation avec l'État, le gouvernement et les industriels.
Ils reprochent à son Président, Alex Türk, d'avoir été le rapporteur de la réforme de la loi
Informatique fichiers et libertés devant le Sénat en 2004, réforme qui aurait considérablement affaibli la loi d'origine du 6 janvier 1978. Mais ils oublient de préciser que cet affaiblissement est dicté par une directive européenne que la France a l'obligation d'appliquer.
Certes, les dangers du fichage informatique ne sont pas négligeables mais certains des arguments invoqués dans le communiqué distribué à la presse ne s'adressent pas à la CNIL, mais résonnent plutôt comme un cri d'alarme face à la société de surveillance dans laquelle on entre, pas seulement en France.
Or, c'est précisément ce même cri qui a été poussé par Alex Türk voici peu (voir notre brève sur ce sujet ci-dessous).
Même si la CNIL ne dispose pas de moyens suffisants pour veiller à la liberté des citoyens autant qu'elle le souhaiterait — elle le rappelle régulièrement par la voix de son Président — elle met en œuvre des moyens de contrôle et parfois même des sanctions pécuniaires, de surcroît médiatisées.
Il faut tout de même croire que la prise de conscience des citoyens a fait du chemin puisque Alex Türk notait dans un communiqué du mois de juillet dernier que l'activité de la commission s'était accrue de 570 % en trois ans... Il a partiellement été entendu puisque le budget et les personnels de la CNIL seront en augmentation en 2008.
Voir ce communiqué
Le site de la CNIL propose des fiches pratiques et des documents de synthèse de la loi qui sont parmi les plus clairs qu'on puisse trouver en matière de vulgaristation du droit pour le citoyen.
Le site :
www.cnil.fr
En vérité, cette manifestation est salutaire en ce qu'elle révèle l'inquiétude légitime des citoyens face à une complexification de nos sociétés, via un droit de plus en plus bizantin et inextriquable, et des technologies de plus en plus sophistiquées dont la réelle portée échappe au commun des citoyens. La loi
Informatique, fichers et libertés et sa gardienne officielle, la CNIL, sont donc fort justement aux confluent de ces deux angoisses.
Voir notamment l'article sur
PC-Impact, avec photos et accès au communiqué de presse des manifestants :
www.pcinpact.com/actu/news/40710-occupation-CNIL...
Voir notre brève du 30 août :
La CNIL inquiète de l'évolution vers la société de surveillance
Et notre brève du 5 nvoembre :
Budgets de la CNIL en augmentation
Voir aussi notre
fiche conseil Informatique fichiers et libertés