Nous poursuivons tranquillement notre série Droit et fonction documentaire, saison 1, épisode 11…
Cette fois-ci, après le recadrage, nous nous penchons sur la retouche des images.
Questions de droit moral…
Quelle que soit l’image dont on se saisit en vue de l’exploiter (la reproduire, la publier, l’exposer…) et en dépit de l’autorisation d’exploiter celle-ci de la part de l’auteur, il est certaines opérations sur cette image qui ne peuvent être exécutées à la légère. On l’a vu précédemment à propos du recadrage d'une image ; il en est de même à propos des retouches, du moins de certaines d’entre elles.
De la bonne retouche
Il est en effet des retouches qui visent à améliorer l’image, par exemple à augmenter la netteté d’une photographie, sans pour autant dénaturer un éventuel flou artistique de celle-ci. Dans ce cas comme dans bien d’autres, similaires dans leur esprit : améliorer l’œuvre de l’auteur, il n’y a bien sûr pas d’atteinte à l’intégrité de l’œuvre ni même à l’esprit de la création de l’auteur, ce qui serait une autre manière d’attenter au droit moral de celui-ci.
Des retouches discutables : le floutage
Mais dès l’instant où la retouche est susceptible de nuire à la qualité de l’image, il y a potentiellement atteinte à l’intégrité de l’œuvre.
Il en est ainsi lorsque sur l’image — gardons l’exemple de la photographie — se trouvent des sujets ou des objets qu’on ne souhaite pas laisser visibles. On aura donc recours au floutage, voire à la retouche plus grave qui consiste à maquiller complètement la photo… On connaît ces photos historiques de l’Union soviétique sur lesquelles disparaissaient certains personnages à l’époque du cliché fort en cour et entre temps éliminés du pouvoir. On connaît aussi la photographie de Malraux dont la cigarette qui ne quittait pas souvent ses lèvres a disparu pour ne pas donner le mauvais exemple… (voir ci-dessous notre actualité sur le sujet).
…En dépit de droits extérieurs
Ne nous arrêtons pas sur ces cas de falsifications qui relèvent d’un autre débat et restons sur le terrain du floutage le plus souvent nécessaire pour des raisons de droits extérieurs, comme par exemple le droit à l’image d’une personne ou d’une marque, d’un logo…
Dans ce cas, la tentation est grande de considérer que, puisque c’est le droit qui l’exige, on peut donc passer outre les intérêts de l’auteur photographe.
Rien n’est plus faux : il y a confilt de droits et aucun d'eux ne prend le pas sur l'autre. En conséquence, flouter une partie d’une image porte bel et bien atteinte au droit moral de l’auteur, quel qu’en soit la raison, vertueuse ou malveillante.
Des solutions pratiques ?
Comme d’habitude, on trouvera la solution dans l'accord avec l'auteur, c'est-à-dire dans la contractualisation de la relation entre l’auteur et l’exploitant de l’image. À moins que l’image ne soit sous licence creative commons avec autorisation de la modification de celle-ci.
Voici donc les deux solutions possibles :
- L’image est sous l’une des licences creative commons autorisant la modification de l’œuvre : rien ne s’oppose à ce que tout type de retouche soit effectué sur l’image.
- L’image est protégée par le droit d’auteur : il convient d’aménager le nécessaire acte écrit de cession de droits de l’auteur en y incluant la renonciation de l’auteur à son droit à l’intégrité de l’œuvre, limitée par exemple aux seuls cas de floutage lorsque celui-ci est imposé par des droits extérieurs tels que droits à l’image ou droit des marques.
Sur la possibilité de contractualiser un droit moral, par principe inaliénable, nous renvoyons à notre précédent épisode sur le recadrage des images.
En savoir plus
Voir notre actualité du 8 novembre dernier sur Le recadrage des images
Voir notre article sur La gestion des droits de l’image
Voir notre fiche sur Les actes de cession de droit d’auteur
Voir notre actualité du 23 décembre 2010 : Retouche des photos historiques et droit moral des photographes