Droit de la presse : un formalisme toujours méticuleux

Une nouvelle jurisprudence vient nous apporter la preuve que la plus grande rigueur s'impose en matière de procédure judiciaire, plus encore lorsqu'il s'agit de droit de la presse, sous peine de voir une action, pourtant fondée sur le fond, rejetée pour des raisons de formalisme.

Nous avons plusieurs fois signalé combien devait être précise une action en diffamation, dans la précision des propos et la démonstration de leur caractère diffamatoire (notre actualité du 21 avril 2017) et dans la qualification même du délit de diffamation (celle du 26 avril 2016), sans parler des questions de délais de prescription très courts.

Voici un arrêt de la Cour de cassation en date du 18 octobre dernier qui rappelle à nouveau qu'on ne saurait être trop précis dans une instance judiciaire de droit de la presse, cette fois-ci en matière de droit de réponse.
La liberté de la presse étant une liberté essentielle, il ne peut y être dérogé qu'en respectant un formalisme rigoureux, tant il est vrai que le respect des formes garantit les libertés dans un État de droit.

L'identité du directeur de la publication

Il transparaît de l'arrêt de cassation qu'une société avait souhaité exercer son droit de réponse sur un site internet, droit qui lui fut refusé. La demande était adressée à la personne qui, dans les mentions obligatoires du site, était identifiée comme le directeur de la publication, seul responsable du respect de la loi sur la liberté de la presse, et par conséquent seul habilité à être saisi d'un droit de réponse, qui relève de cette loi. 

Le diable se niche dans les détails…

Or il se trouve que la personne ainsi supposée être le "directeur de la publication" était en fait le webmestre, chargé de recevoir les demandes de modifications de contenus. Ni l'avocat, ni même les premiers juges (Tribunal puis cour d'appel de Lyon) n'ont relevé l'erreur potentielle.

La Cour de cassation doit donc casser l'arrêt de la cour de Lyon pour n'avoir pas recherché, "comme il le lui était demandé, si M. Y., en tant que représentant légal de l’association, ne devait pas se voir reconnaître cette qualité" [de directeur de la publication] aux lieu et place de celui identifié par erreur sur le site.

En effet, rappelons que c'est la loi qui désigne le directeur de la publication d'un média, qu'il s'agisse de presse papier, d'audiovisuel ou de site internet. C'est nécessairement et de manière incontournable, le dirigeant de la personne morale qui exerce cette responsabilité (article 6-IV de la loi sur la confiance dans l'économie numérique – LCEN – du 21 juin 2004 et articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982), donc en l'occurrence le président de l'associaiton éditant le site.
Il est pour le moins étonnant que des avocats, théoriquement très au point sur les questions formelles de procédures, autant que des magistrats, aient ainsi pu se fourvoyer.

En savoir plus

Consulter l'arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 18 octobre dernier sur Légifrance :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000035849017

Didier FROCHOT