Un nouveau contentieux vient montrer à quel point il y a loin du sentiment d'être diffamé par une personne qui est publiquement mise en cause, notamment sur internet, à la condamnation de l'auteur des propos pour diffamation.
Du sentiment de diffamation à la qualification des faits
Dès qu'une personne, par définition non juriste, découvre qu'on la bouscule ou la met en cause de manière critique sur internet, le premier réflexe est de crier à la diffamation. Nous le voyons tous les jours dans les contacts que nous avons dans le cadre de nos missions de nettoyage sur le net.
Mais critiquer n'est pas forcément diffamer. Nous avons déjà rappelé dans de précédentes actualités la définition juridique précise de la diffamation (nos actualités des 15 avril et 24 août 2014). Il faut donc que les propos puissent déjà être qualifiés de diffamatoires, c'est-à-dire, rappelons-le à nouveau, qu'ils constituent une "allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne" (article 29, loi du 29 juillet 1881) et que ces faits allégués soient faux.
De la diffamation qualifiée à la diffamation condamnable
Lorsqu'il en est arrivé à ce point d'analyse juridique, la victime de tels propos peut estimer qu'elle peut engager des poursuites, par le dépôt d'une plainte pénale.
On se retrouve donc logiquement devant les juges et à cette phase, il n'est pas certain que la qualification soit retenue, pour toutes sortes de raisons pénales. La jurisprudence sur la diffamation nous apporte de nombreux exemples où la diffamation n'est pas condamnée, soit parce que les juges estiment que les critères ne sont pas réunis et que les propos relèvent de la liberté d'expression, soit parce qu'ils accordent à l'auteur des faits des circonstances atténuantes.
De la diffamation condamnable à la condamnation effective
Espérer voir son détracteur condamné, c'est aussi faire confiance en la rigueur juridique de son avocat. Dans l'affaire qui nous occupe aujourd'hui, le TGI de Nanterre, dans son jugement du 3 mars 2016, après avoir constaté qu'il y avait effectivement plusieurs actes de diffamation, est obligé de refuser de condamner l'auteur au motif que la procédure très stricte et formelle de l'assignation n'a pas été respectée, notamment le respect des formalités prévues à l'article 53 de la loi de 1881, lequel spécifie expressément : "Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite." (article 53 al.3).
De sorte que par manque de rigueur procédurale de la part de son avocat, un plaignant se voit débouté de sa demande légitime. Et ce n'est pas la première fois que nous voyons ce genre de cas.
Comme quoi on a intérêt à bien choisir son avocat...
En savoir plus
Voir le Jugement de Nanterre du 3 mars 2016 sur Legalis.net :
www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=4964
et le commentaire qui y est publié :
www.legalis.net/spip.php?page=breves-article&id_article=4965