Parmi les nouvelles dispositions introduites par le projet de loi "relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine", un amendement introduit par le député Patrick Bloche a retenu notre attention en ce qu'il précise très nettement le régime de la cession des droits d'exploitation des auteurs.
Un amendement technique
Certes, on est loin des effets d'annonce médiatisés et il se peut même qu'aucun journaliste n'ait vu passer ce discret amendement dans la masse de ceux qui ont été inscrits. Il s'agit en outre de ce qu'il est convenu d'appeler un "cavalier législatif", c'est-à-dire un texte qui ne se trouve pas dans la thématique du projet de loi. Ici, comme souvent, on profite d'un projet impactant le Code de la propriété intellectuelle pour modifier ce dernier.
Le texte ainsi inséré par le député est le suivant.
À l'article L.131-2 serait inséré l'alinéa 2 suivant :
"Les contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur doivent être constatés par écrit." (amendement AC465, inséré avant l'article 4 du projet de loi, devenu l'article 4A du texte adopté).
Cet amendement a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 6 octobre et nous ne voyons aucune raison pour qu'il soit rejeté par le Sénat.
Ce qui va sans dire…
Jusque là et hormis les cas spécifiques prévus par l'alinéa 1er du même article L.131-2 (contrats de représentation, d'édition et de production audiovisuelle, pour lesquels un acte écrit est exigé), la loi était plus que laconique sur le formalisme des actes de cession de droits d'auteur.
L'actuel alinéa 2 du même article renvoie aux règles de preuve du Code civil, ce qui en clair oblige à produire un acte sous seing privé (acte de cession signé au moins de l'auteur) à conserver en original à titre de preuve dans tous les cas où une rémunération égale ou supérieure à 1500 € est envisagée. Dans tous les autres cas, on peut prouver l'existence d'une cession de droits d'exploitation par tout moyen.
Bien sûr, l'article L.131-3 al.1er exigeant comme condition de validité de la cession que les divers droits d'exploitation soient mentionnés "dans l'acte de cession" (représentation, reproduction, traduction…) ainsi que le périmètre de l'exploitation prévue (étendue et destination, lieu et durée), il semble logique de passer par un acte écrit. Mais ce n'est pas une obligation formelle.
À présent, sous réserve de l'adoption définitive du texte dans ces termes, la loi fera obligation de constater les actes de cession de droits d'auteur dans un écrit. L'ancien alinéa 2 de l'article L.131-2 n'étant pas abrogé, on gardera le régime de la preuve du Code civil : s'il y a rémunération de 1500 € et plus, on doit se ménager un acte écrit et signé en original. Mais en-dessous de ce seuil, une simple copie de l'acte écrit peut suffire, comme par exemple un fax ou un scan.
Des conséquences intéressantes
Comme les conditions de validité de l'acte de cession émises par l'article L.131-3 al.1er sont déjà largement ignorées par les exploitants et les auteurs et que déjà bon nombre d'exploitations d'œuvres d'auteurs en France soient entachées de nullité et par conséquent contrefactrices, cette obligation de produire un écrit va encore fragiliser les exploitants qui négligent de respecter la loi. L'auteur peut déjà à tout moment invoquer la nullité de la cession des droits qu'il a concédés au motif que les conditions de l'article L.131-3 ne sont pas réunies, mais il le pourra aussi en raison de l'absence d'acte écrit signé.
Il sera donc intéressant de suivre l'application de ce texte lorsque la loi sera promulguée.
En savoir plus
Voir l'amendement de Patrick Bloche sur le site de l'Assemblée nationale :
www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2954/CION-CEDU/AC465.asp
Voir le dossier législatif du texte sur le même site :
www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/liberte_creation_architecture_patrimoine.asp
Voir le texte de loi adopté (n°591) le 6 octobre dernier :
www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0591.asp
Voir notre double fiche synthétique sur Le droit d'auteur,
ainsi que celle sur Les actes de cession de droit d'auteur.