Un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne en date du 20 décembre dernier vient nous donner de nouvelles lumières sur l'extensivité de la notion de données à caractère personnel (ou donnée personnelle).
Les faits
Un ressortissant irlandais, expert-comptable stagiaire, réussit certains des examens de comptabilité organisés par l’Institute of Chartered Accountants of Ireland (ordre irlandais des experts-comptables). Mais ayant échoué à l’examen particulier de «comptabilité de la finance stratégique et de la gestion» à l'automne 2009, l'intéressé a tout d’abord introduit une réclamation visant à contester le résultat de celui-ci.
À la suite du rejet de cette réclamation, il a présenté une demande d’accès visant l’ensemble des données à caractère personnel le concernant, détenues par l’ordre des experts-comptables. En 2010, l’ordre lui communique divers documents, mais refuse de lui transmettre sa copie d’examen, au motif que celle-ci ne contient pas de données à caractère personnel.
La question préjudicielle
Le contentieux étant monté jusqu'à la Cour suprême irlandaise, celle-ci a posé à la CJUE la question préjudicielle aux fins savoir si les éléments contenus dans une copie d'examen (surtout les réponses du candidat et les annotations du correcteur) constituent des données personnelles au sens de la directive 95/46/CE.
L'arrêt de la CJUE
La Cour tranche par l'affirmative selon un raisonnement en plusieurs étapes dont la principale est le constat que, selon son communiqué, "l’emploi de l’expression «toute information» dans le cadre de la définition de la notion de «donnée à caractère personnel» figurant dans la directive reflète l’objectif du législateur de l’Union d’attribuer un sens large à cette notion".
La Cour s'appuie également sur le caractère strictement personnel d'une copie d'examen et des annotations qu'elle contient, qui ne pourraient être rendues publiques ou diffusées à des tiers sans l'accord du candidat.
Le communiqué précise également :
"dans la mesure où les réponses écrites fournies par un candidat lors d’un examen professionnel et les éventuelles annotations de l’examinateur s’y rapportant sont susceptibles d’être soumises à une vérification, notamment, de leur exactitude et de la nécessité de leur conservation et peuvent faire l’objet d’une rectification ou d’un effacement, la Cour considère que le fait de donner au candidat un droit d’accès à ces réponses et à ces annotations sert l’objectif de la directive consistant à garantir la protection du droit à la vie privée de ce candidat à l’égard du traitement des données le concernant, et ce indépendamment du point de savoir si ce candidat dispose également ou non d’un tel droit d’accès en vertu de la réglementation nationale.
La Cour rappelle à cet égard que la protection du droit fondamental au respect de la vie privée implique notamment que toute personne physique puisse s’assurer que les données à caractère personnel la concernant sont exactes et traitées de manière licite."
Points significatifs
Quelques arguments semblent importants à retenir dans cette décision.
Elle s'inscrit tout d'abord dans une vision formelle de la donnée à caractère personnel (toute information de nature à identifier la personne), aux termes de laquelle il n'est pas douteux que la copie d'examen contient de telles données.
Mais en outre, elle rappelle les finalités essentielles de la directive, qui sont d'accorder à toute personne certains droits dont précisément l'accès aux données, leur rectification ou leur suppression. Elle replace alors le contentieux dans son côté pratique qui est ici, plus que le droit à rectification des données, mais bien à leur vérification. La cour évoque notamment le droit du candidat de vérifier matériellement si sa copie n'a pas été intervertie avec une autre et que sa note et par conséquent son échec lui sont légitimement attribués.
On peut aussi envisager que pour contester un résultat d'examen, il faut pouvoir s'appuyer sur le contenu de la copie pour éventuellement contre-argumenter et demander une seconde correction.
Des données vraiment à caractère personnel
C'est donc par des voies apparemment détournées que la CJUE reconnaît, au nom de la protection des données à caractère personnel et du droit d'accès de la personnes concernée, le droit inattaquable à un candidat à un examen quel qu'il soit d'avoir accès à sa copie.
En savoir plus
Lire le communiqué de presse de la CJUE du 20 décembre 2017, comme toujours très précis (pdf, 215 ko, 3 pages) :
https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2017-12/cp170140fr.pdf
Lire l'arrêt complet sur EUR-Lex :
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:62016CJ0434