La justice continue de dessiner avec toujours plus de précision les contours juridiques de la responsabilité sur internet et par là même ceux de l'é-réputation.
La 3ème chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Montpellier a rendu, le 12 octobre dernier, un arrêt qui vient conforter ce qu'une bonne analyse juridique premettait de penser. Mais comme souvent, l'avis de conseillers d'une Cour d'appel donne plus de poids à cette analyse.
Les faits
Une fonctionnaire de police nationale qui avait été révoquée, a ouvert un blog personnel sur le site de Médiapart. Sur ce blog elle a publié des articles à l'encontre d'un haut fonctionnaire de police, critiques au point d'être injurieux et diffamatoires. L'intéressé l'ayant poursuivi pour diffamation, l'auteure des propos a soulevé l'exception selon laquelle c'est le directeur de la publication du site Médiapart qui devait avant tout être poursuivi, sur la base de l'article 42 de la loi sur la liberté de la presse.
C'était oublier un peu vite le régime de responsabilité spécifique de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, modifié en 2009. En clair, la réforme de ce texte, en juin 2009 (un "cavalier législatif" inséré dans la loi Hadopi 1), a introduit une disposition prévoyant que lorsque les contenus litigieux sont publiés dans un "espace de contributions personnelles" la responsabilité du directeur de la publication du site ne peut être engagée que s'il a effectivement eu connaissance de ces contenus et n'a pas "agi promptement pour ce retirer ce message". On retrouve ici le régime de responsabilité limitée de l'hébergeur tel que prévu par l'article 6-I, 2°) de la loi du 21 juin 2004, dite LCEN.
Une notion déportée de directeur de la publication
C'est sur ce terrain que la Cour a exclu la responsabilité du directeur de la publication de Médiapart et retenu pleinement celle de l'auteure du blog, par le fait directrice de sa propre publication.
Négligence coupable
L'inconvénient est que la personne avait choisi volontairement Médiapart, pensant que si elle passait les bornes de la légalité, les responsables du site, rompus plus que d'autres aux limites de la légalité, épingleraient ses publications… Mais c'eut été donner à l'hébergeur de blog qu'est en fait Médiapart (comme de nombreux autres sites de presse) un droit de regard sur les publications des blogueurs, donc limiter leur liberté. L'intéressée a donc pêché par une double ignorance : celle de la loi que pourtant "nul n'est censé ignorer" ; et l'oubli du fait que la liberté est à double tranchant et que liberté ne signifie pas irresponsabilité. En effet, à supposer que la responsabilité éditoriale du site ait été retenue, la blogueuse aurait de toute façon été poursuivie comme complice, risquant les mêmes peines.
En savoir plus
Lire la décision sur le site Legalis.net :
www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=4765
Et la présentation rapide de la décision de ce même site :
www.legalis.net/spip.php?page=breves-article&id_article=4773
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