Les campagnes publicitaires du service Google Adwords ont plusieurs fois posé des difficultés en matière d'e-réputation des entreprises ou des marques. Un litige a opposé deux commerçants concurrents, pour lequel la cour d'appel de Versailles a rendu un arrêt le 28 février 2017.
Adword et Adsense
Rappelons tout d'abord que le système Adwords consiste en la mise en place de mots-clés permettant de faire afficher des annonces pour le site d'une entreprise. Des mots-clés sont choisis par l'annonceur pour faire apparaître sa publicité associée à ses activités. Et ceux-ci sont mis aux enchères par Adwords, le meilleur enchérisseur étant placé en tête des annonces. À noter aussi que ces annonces peuvent également s'afficher sur des sites qui accueillent les annonces Google en fonction du contexte de leur site (système Google Adsense).
Les faits en bref
Deux sociétés de vente en ligne sont en concurrence sur les mêmes produits. La société A. s'est aperçue que la société D. avait utilisé le nom de la société A. — de surcroît déposé en marque — comme mot-clé Adwords pour faire afficher des annonces au bénéfice de D.
Considérant qu'il s'agissait globalement de pratiques déloyales, A. a assigné D. en justice sur le triple terrain de la contrefaçon de marque, de la concurrence déloyale au sens strict et du parasitisme.
Déboutée de son action en première instance (TGI de Nanterre, 26 novembre 2015), la société A. a interjeté appel.
La cour d'appel de Versailles confirme en tous points le rejet des griefs adressés à la société D.
Selon les magistrats :
- Il n'y a pas contrefaçon de marque dès l'instant que si les annonces de la société D apparaissaient en recherchant la société A, il était évident pour l'internaute que c'est uniquement le système d'annonces Google qui met ainsi en avant une annonce pour un concurrent sans qu'il puisse y avoir confusion entre les deux sociétés et les deux sites ;
- La concurrence entre les deux sociétés n'est pas déloyale puisque là encore il n'y a pas risque de confusion entre les deux entreprises dans l'affichage des annonces ;
- Et bien sûr, le parasitisme (qui consiste, en dehors de toute concurrence, d'attraire l'image d'une entreprise à son bénéfice) ne saurait non plus être retenu pour la même raison d'absence de confusion.
Les mots-clés négatifs en question
La société A. a également tenté de reprocher à D. de ne pas avoir déclaré dans le système Adwords le nom de la société A. comme mots-clés à exclure, dits mots-clés négatifs, afin d'éviter toute présentation concurrente. La cour rejette à nouveau cet argument en rappelant que la liberté de concurrence est en France le principe et que seules des abus de cette liberté, comme des pratiques déloyales, sont sanctionnables, sur la base de l'article 1382 du code civil (devenu article 1240 depuis le 1er octobre 2016).
Une jurisprudence encore erratique ?
De notre point de vue, la jurisprudence en matière de mots-clés Adwords se cherche encore, s'efforçant de coller le plus aux faits de chaque espèce.
Le critère déterminant semble cependant être le fameux risque de confusion dans l'esprit du public, critère tout droit venu de la propriété intellectuelle et qui mène sans détour au délit de contrefaçon sur ce terrain. Ici on retrouve ce critère à nouveau transposé au terrain de la concurrence, déloyale (situation ouverte de concurrence) ou parasitaire (capter l'image d'une autre entité à son profit).
Ne connaissant pas les faits dans leurs détails pratiques, il nous est difficile de porter un avis précis sur la pertinence de cette décision. Avouons cependant que l'intention délibérée qu'ont certaines entreprises d'utiliser le nom de leur concurrent pour bénéficier de l'effet d'image et se glisser ainsi parmi les annonces qui apparaissent lorsqu'un client recherche l'entreprise mieux connue nous gêne quelque peu.
Quant au fait d'affirmer que l'internaute peut parfaitement comprendre, lorsqu'il voit sur la page Google s'afficher "Résultats pour la société A." associés à des annonces pour une autre société, qu'il s'agit bien de deux réalités distinctes, c'est ignorer profondément la méconnaissance de la majorité des internautes sur ce qu'est internet en général, que beaucoup confondent encore simplement avec Google — et Google avec leur navigateur… — et sur le réel fonctionne de Google. De sorte que le risque de confusion nous semble pertinent dans bien plus de cas que ne le pensent des magistrats sans doute plus rompus aux subtilités d'internet.
Hormis les cas où une marque ou une entreprise devient synonyme du produit même (frigidaire ou karcher, par exemple, ou encore delco, qui a fourni un contentieux Adwords en justice en 2014), la démarche consistant à profiter du prestige d'une marque ou d'une entreprise pour se vendre, donc à tirer du feu les marrons publicitaires que d'autres y ont placé, a couramment été sanctionnée en droit des affaires en dehors du web.
En savoir plus
Lire l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles sur le toujours excellent site Legalis.net :
https://www.legalis.net/jurisprudences/cour-dappel-de-versailles-12e-ch-arret-du-28-fevrier-2017/
et la présentation proposée par ce site :
https://www.legalis.net/actualite/mots-cles-positifs-et-negatifs-pas-de-risque-de-confusion-sur-une-annonce-google/
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