Comme le chacun sait peut-être, l'opération de codification du droit consiste à réunir dans un même corpus organisé logiquement, un ensemble de textes de droit écrit jusque là publiés "au fil de l'eau" et donc difficiles à réunir et à appréhender d'un seul tenant pour le juriste et a fortiori pour le non-juriste. On voit traditionnellement dans la codification un effort de clarification d'un domaine du droit et de "simplification" en direction du justiciable. Nous mettons simplification entre guillemets car si l'organisation des règles de droit en un plan logique permet de mieux s'y retrouver et d'aller plus sûrement aux règles applicables à un cas donné, il reste pour le néophyte à comprendre la jargon parfois quelque peu abscons des textes eux-mêmes.
Une intense codification depuis 20 ans
Les pouvoirs publics ont été pris depuis deux décennies d'une véritable frénésie de codification, de codorrhée, si l'on peut oser ce néologisme… C'est ainsi que près de 70 code sont actuellement en vigueur, dont 33 ont été publiés ou refondus depuis 2000.
La codification moderne
Rappelons que la très grande majorité des codes est aujourd'hui bâtie sur la forme dite de la codification moderne, peu à peu adoptée depuis la 2ème Guerre mondiale — et surtout depuis l'installation de la Commission supérieure de codification de 1989 —, l'ancêtre, le code civil, étant quant à lui resté dans sa présentation dite classique.
Cette codification obéit à quatre caractéristiques communes.
Numérotation en fonction du plan
Un plan de développement à trois ou parfois quatre niveaux commande la numérotation des articles : Livre ; Titre ; Chapitre, et parfois Partie avant les Livres.
Ainsi le premier article du Chapitre 2 du Titre 3 du Livre 1er d'un code sera-t-il numéroté 132-1.
Séparation des sources
Une division interne du code par sources du droit est opérée.
Une partie législative du code accueille tous les textes de loi et les articles portent le préfixe L.
Une partie réglementaire réunit les dispositions issues des décrets ; les articles portent le préfixe R.
Ainsi, on trouvera des articles L.131-1 et suivants, auxquels correspondent des articles R.131-1 et suivants sur le même sujet.
Il peut arriver que certains codes, dont le domaine est riche en matière réglementaire, adoptent une subdivision plus affinée encore avec une partie décrétale et même parfois une partie Arrêtés.
Dans ce cas, la partie réglementaire accueille les décrets en Conseil d'État (R.), la partie décrétale les décrets simples : le articles sont préfixés D. et A. pour la partie des arrêtés ministériels ou interministériels.
Nous n'entrons pas ici dans le bizantinisme des notations des divers décrets selon qu'ils sont pris en Conseil d'État et signés en Conseil des ministres (R*.), ou signés par le Premier ministre (R.), des décrets ordinaires signés en Conseil des ministres (D*) ou signés du Premier ministre (D)… sans parler du préfixe LO. pour signaler les lois organiques ! Ces détails peuvent d'ailleurs varier d'un code à l'autre, même s'ils tendent à devenir peu à peu la règle.
Codification à droit constant
Réserve faite de rares exceptions (nouveau Code du travail), les opérations de codification sont réalisées à droit constant, c'est-à-dire qu'on se borne à réorganiser les textes existants sans en changer un mot, dans un nouveau plan de présentation.
Un parallélisme des formes
Depuis la nouvelle Commission supérieure de codification de 1989, l'accent est mis sur le parallélisme des formes de création d'un code :
- La partie législative est promulguée par une loi. En pratique, pour ne pas encombrer le Parlement par des mesures qui sont purement techniques, celui-ci habilite le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance. Ce sont donc des ordonnances qui ont promulgué la plupart des récents codes ou refontes de codes dans leur partie législative.
- La partie réglementaire est promulguée par un décret en Conseil d'État.
Ce qui tend à changer
Ainsi que nous l'avions signalé lors de l'entrée en vigueur du nouveau Code des relations entre le public et l'administration (notre actualité du 8 janvier 2016), on a rencontré un bel exemple de pragmatisme qui gomme le principe de la séparation physique des sources en diverses parties du code.
Ce code ne comporte qu'une partie unique qui groupe dans un même corpus les articles L, R*, R et D à la suite les uns des autres, avec une numérotation interne unique. Le principe de séparation des sources n'est pas altéré en ce sens qu'il est aisé, à la lecture du numéro d'article, de repérer d'un coup d'œil si l'on a affaire à un texte issu d'une loi, d'un décret en Conseil d'État ou d'un décret simple. Mais l'ensemble des articles est réuni en une seule présentation, ce qui se révèle bien plus commode pour l'usager, qu'il soit juriste ou non.
Ce pourrait être là une tendance de simplification qu'il serait agréable de voir se généraliser. Le juriste, et plus encore le non-juriste, goûte fort peu les jeux de pistes consistant pour un texte à renvoyer à un autre... parfois à l'infini. Devoir systématiquement consulter la partie législative d'un code pour connaître les règles générales d'un point de droit, puis la partie réglementaire pour consulter les mesures plus pratiques ou techniques s'avère souvent fastidieux. En retrouvant tout sous une même présentation et sous un plan logique serait donc préférable.
En savoir plus
La partie "Codification" du Guide de Légistique disponible sur Légifrance date de mars 2015. Elle ne prend donc pas acte de cette modification et continue de signaler la séparation des parties d'un code selon ses sources. Cependant, elle donne plus de précision sur les préfixes des textes, R*, R, D*, D, A… :
www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Guide-de-legistique/I.-Conception-des-textes/1.4.-Acces-au-droit/1.4.2.-Codification-considerations-generales
Voir notre article sur La Codification, mis à jour à l'occasion du nouveau code précité en janvier 2016.
Voir la nouvelle édition de notre Dossier d'Expert : "Maîtriser l'information, la documentation et la veille juridiques", à paraître très prochainement chez Territorial Éditions.