La cour d'appel de Versailles a rendu, le 29 juin dernier, un intéressant arrêt qui vient non seulement confirmer mais renforcer sa propre jurisprudence en matière de droit à l'image.
Les faits
En juin 2014, le site purepoeple.com avait publié un article qui, selon l'arrêt "rend compte de la présence [d'une] journaliste dans les tribunes de Roland-Garros pour assister à la finale dames à l’occasion de laquelle elle aurait laissé entrevoir ses dessous et captivé les photographes", article "illustré de onze clichés de l’intéressée, court vêtue, assise dans les tribunes, dont certains la représentent dégustant une glace".
La journaliste a alors assigné la société Webedia, éditrice du site en question, aux motifs de l'atteinte aux droits de la personnalité, sur le fondement de l'article 9 du Code civil et de l'article 8-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (droit au respect de la vie privée dans les deux cas). Le TGI de Nanterre l'ayant déboutée de sa demande par un jugement du 12 mai 2016, l'intéressée avait interjeté appel.
L'arrêt de la cour d'appel
Pour infirmer le jugement du TGI et donner droit à la journaliste, la cour constate que les clichés ont été "pris à son insu selon un procédé déloyal, qui la surprennent dans un moment de loisir et de détente relevant de la sphère privée ;
Que les légendes au goût douteux démontrent que l’objectif revendiqué était de dévoiler ses dessous pour les livrer à la curiosité malsaine d’un vaste public ;
Qu’elle ajoute que certains clichés la surprennent dans des poses ridicules, ce qui porte une atteinte délibérée à son image volontairement dégradée"
Elle constate encore que "les articles 9 du code civil et 8-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, garantissent à toute personne, quelle que soit sa notoriété, sa fortune ou ses fonctions, le droit au respect de sa vie privée et de son image ;
Que l’article 10 de la convention précitée garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse dans le respect du droit des tiers".
Par conséquent "chacun peut ainsi s’opposer à la divulgation d’informations et à la fixation, la reproduction et à l’utilisation d’images captées sans autorisation expresse, préalable et spéciale ne relevant pas de sa vie professionnelle ou de ses activités officielles et fixer les limites de ce qui peut ou non être publié sur sa vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir".
Dommages-intérêt et interdiction de toute publication future
"Considérant que la seule constatation de la violation du droit à l’image ouvre droit à réparation", la cour condamne l'éditeur du site à 5000 € de dommages-intérêts au bénéfice de la victime et à 4000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile (frais judiciaires exposés par la victime).
Mais surtout — et c'est là une nouveauté — la cour "Interdit à la société Webedia de procéder à toute nouvelle publication ou diffusion des 11 photographies datées du 7 juin 2014 (…)*sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée".
Sur le statut du droit à l'image des personnages publics
Rappelons que la jurisprudence considère que les personnages publics, lorsqu'ils sont dans l'exercice de leur vie publique, ne peuvent s'opposer à la publication de photos ou vidéos. Cet arrêt de la cour de Versailles ne déroge en rien avec cette jurisprudence constante. Bien au contraire, elle souligne clairement que les clichés "la surprennent dans un moment de loisir et de détente relevant de la sphère privée".
La nouveauté tient au fait que, pour éviter tout nouveau dérapage ou remise en ligne "par inadvertance" de ces clichés, la cour émet une interdiction formelle de toute republication de ces photos sous une astreinte non négligeable.
En savoir plus
Lire l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 29 juin 2018 sur Legalis.net :
https://www.legalis.net/jurisprudences/cour-dappel-de-versailles-1ere-ch-1ere-sec-arret-du-29-juin-2018/
Roland Garros a été le théâtre de nombreux contentieux sur les images, telle cette affaire que nous avions relatée en son temps (actualité du 4 décembre 2015).
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