Nous avons déjà vu quelques aspects de la diffamation et des injures sur Internet, qui sont une des causes fréquentes de l’attaque de l’e-réputation (ou cyber-réputation, web-réputation, réputation numérique, au choix) d’une personne sur le réseau des réseaux (notre actualité du 15 avril et celle du 24 avril).
Mais à supposer qu’il y ait eu effectivement diffamation ou injure — ce qui n’est pas toujours le cas, on l’a vu — il faut savoir dans ce cas qu’il importe d’agir vite. Pourquoi ? Nous l’expliquons ici.
Les délits d’information : régime commun aux trois types de médias
Quelques jalons historiques
Les délits d’information (dont la diffamation et les injures) trouvent leur source en France dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Comme son intitulé officiel le suggère, il s’agit de la première loi garantissant la liberté de la presse dans notre pays. Cette liberté avait été établie de manière éphémère à l’occasion de révolutions passées, mais en 1881, c’est la version définitive, pourrions-nous dire, du régime de la liberté de la presse qui s'établit en France.
Lors de l’émergence de l’audiovisuel privé et des radios libres à partir de 1981, le besoin s’est fait sentir de légiférer sur ce canal médiatique qu’est l’audiovisuel. Ce furent la loi du 29 juillet 1982 (consciemment promulguée 101 ans jour pour jour après la précédente…), modifiée de fond en comble par la loi du 30 septembre 1986. Ainsi apparut la notion de "service de communication audiovisuelle", lequel incluait la télématique française, soit le Service d’accès Télétel, avec le célèbre Minitel comme terminal.
Avec l’émergence d’une télématique mondiale et ouverte — Internet —, il a fallu une nouvelle fois réviser le régime de responsabilité éditoriale, auxquels se rattachent les délits d’information. Ce régime vit peu à peu le jour par des révisions des lois de 1982 et 86, avant que n’intervienne la fameuse LCEN, la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique, largement constituée par la transposition de la directive "commerce électronique" de l’Union européenne.
Des délais très courts pour agir
Concernant la presse papier, les dégâts d’une diffamation ou d’une injure sont principalement circonscrits dans la période de publication et de diffusion du journal récent, et pendant les quelques mois qui suivent sa publication. C’est pourquoi initialement, le délit de diffamation et d’injure, comme tous les autres délits d’information de la même loi, étaient prescrits au bout de 3 mois. Passé ce délai, le législateur considère que l’oubli a pu jouer.
Calquant le régime de l’audiovisuel sur celui de la presse papier, les lois de 1982 et 86 ont repris exactement le même dispositif. À cette distinction logique près que dès qu’un message litigieux est rediffusé, il s’agit d’une nouvelle publication et le délai de prescription de trois mois est rouvert, ce qui semble logique.
Paradoxe : une publication permanente sur Internet
Là-dessus, émerge l’Internet, immense archive ouverte mondiale dans laquelle on peut exhumer en quelques clics, grâce aux moteurs de recherches, tout type d’information sur une personne, quelle qu’en soit la date.
Les premières décisions de justice ayant tranché sur les délits d’information sur Internet et notamment sur les délais de prescription ont assez logiquement considéré que sur le Net, le délit se renouvelait de manière permanente — puisque l’information demeure accessible à tous, en ligne — jusqu’au retrait des propos litigieux. Ces décisions considéraient donc que le délai de prescription commençait à courir à partir du retrait des propos diffamants ou injurieux, c'est-à-dire à partir du moment où cesse le délit.
Lors des débats préparatoires de la future LCEN, un amendement fut introduit pour transposer la solution dégagé par la jurisprudence.
La censure du Conseil constitutionnel
Mais cette disposition fut invalidée par le Conseil constitutionnel au motif qu’il était impossible d’introduire une discrimination entre les 3 régimes de responsabilité éditoriale : presse papier, audiovisuel et internet. En conséquence, le délai de prescription de 3 mois à partir de la mise en ligne est demeuré inchangé.
De funestes conséquences
De sorte que si une personne n’est pas atteinte d’un fort narcissisme ou d’une forte paranoïa pour surveiller en permanence ce qui se dit sur elle sur le Net, il arrive fréquemment qu’elle découvre qu’elle a été diffamée ou injuriée bien après le délai de recours possible, alors même que les propos sont toujours au grand jour, disponibles à l’appel de leur nom et donc toujours nuisibles…
D’où le titre de notre actualité du jour : Agir vite !
... Mais à condition de le savoir vite !
Une proposition de loi aux oubliettes
Cette disposition est si absurde et choquante qu’en 2008 deux sénateurs ont déposé et même voté une proposition de loi visant à allonger le délai de prescription des délits d’information sur Internet à 1 an. Chaudement approuvé et soutenu par la Garde de Sceaux de l’époque, le texte n’a pourtant jamais passé la barre de l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, ordre du jour dont le Gouvernement est maître…
Quelques conseils de vigilance
Le conseil qu’on peut donner aux particuliers est de garder un œil sur ce qui se dit sur Internet à leur sujet. Pour ce qui est des entreprises, une mission de veille-image permanente n’est certainement pas un investissement inutile, même si l’on voit le plus souvent les chefs d’entreprise se mobiliser une fois qu’il est trop tard et que le mal est fait. Toute affaire cessante, il faudrait alors nettoyer ces traces gênantes.
C'est que nous faisons volontiers, mais la prévention permet cependant de veiller sur son image et d’agir dans les plus brefs délais pour nettoyer :
- Même dans une démarche amiable, cela rend crédible la menace de la poursuite pénale ;
- Vu la capillarité du Web, plus on laisse un propos négatif demeurer sur le réseau, plus il a de chances de se propager de manière exponentielle, rendant son nettoyage d’autant plus long et difficile.
En savoir plus
Notre article sur cette question en date du 18 avril 2007
Nos actualités sur la proposition de loi déposée et votée au Sénat : le 29 août et le 10 novembre 2008.
Et le dossier législatif de cette proposition en sommeil sur le site du Sénat :
www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl07-423.html
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