Comme on le sait, les délits de diffamation et d'injure, comme tout autre délit d'information, sont prescrits, y compris sur internet, au bout de trois mois, phénomène qui peut s'avérer désarmant lorsque l'e-réputation d'une personne ou d'une entreprise est mise en cause par des tels moyens.
La Cour de cassation vient cependant d'apporter un jour plus précis à la notion d' "acte de publication", à compter duquel le délai de prescription est censé courir.
Sur la notion d'acte de publication
Une décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 7 février dernier vient faire une analyse plus subtile de la loi.
Un arrêt de la Cour d'appel de Paris, en date du 15 mai 2015, avait considéré que la remise en ligne d'un site internet, avec un contenu identique, ne constituait pas un nouvel acte de publication rouvrant le délai de prescription pour un contenu constitutif de diffamation. Il convenait, d'après les magistrats de la cour d'appel, de prendre en compte la date de première mise en ligne des propos diffamatoires pour calculer ce délai.
La Cour de cassation infirme cette analyse juridique et en conséquence casse l'arrêt de la cour d'appel.
Pour ce faire, à la lumière de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, aménageant le délai de prescription, elle rappelle "que toute reproduction, dans un écrit rendu public, d’un texte déjà publié, est constitutive d’une publication nouvelle dudit texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription ; qu’une nouvelle mise à disposition du public, d’un contenu précédemment mis en ligne sur un site internet dont le titulaire a volontairement réactivé ledit site sur le réseau internet, après l’avoir désactivé, constitue une telle reproduction".
À vrai dire, rien dans le texte de l'article 65 ne permet d'affiner ainsi cette notion d'acte de publication. Il faut plutôt en trouver trace dans la définition même du double délit de diffamation et d'injure à l'article 29 de la même loi. Ce texte précise en effet, qu'il y a délit dès "la publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation". Il n'est pas douteux que la réactivation d'un site suppose une nouvelle reproduction de ses contenus sur le site hébergeur et donc une nouvelle publication. D'où il suit que le délai de prescription se rouvre.
Une solution pour couper court à toute fraude
Cette décision vient en outre couper l'herbe sous le pied à tous les détracteurs quelque peu sournois (ou lâches) qui seraient tentés de désactiver momentanément un contenu diffamatoire, juste pour échapper aux poursuites, avant de le remettre en ligne une fois le délai de trois mois écoulé pour continuer à diffamer en toute impunité. On sait aujourd'hui que ce serait inefficace.
Un arrêt de principe ?
Il est permis de penser que cette décision pose un principe qu'il sera difficile de battre en brèche : émanant la chambre criminelle de la Cour de cassation, elle pose, avant toute considération sur le contentieux porté à sa connaissance, un attendu qui énonce une règle générale, que nous venons de citer. Cela prend donc tous les signes d'un arrêt de principe (qui énonce une règle prenant valeur de principe, dépassant le litige en cause).
En savoir plus
Voir l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 7 février 2017 sur Légifrance :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?&idTexte=JURITEXT000034038323
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