Copyright, Copyright ou Copyright ? Ne pas confondre…

Nous avions déjà publié une mise au point sur Le double sens juridique de ce mot anglais en avril 2013. Nous revenons dessus plus complètement aujourd'hui, en distinguant cette fois 3 sens au mot copyright.

Le terme de copyright est sans doute un des plus mal connus et donc des plus mal utilisés qui soient. Il n'est pas rare d'entendre parler de "copyright" pour désigner le droit d'auteur français. Il arrive même qu'on entende parler de "droit de copyright", ce qui constitue un superbe pléonasme translinguistique… Mais il est vrai qu'il est tellement plus chic de franglaiser !

Toute plaisanterie mise à part, il faut dire à la décharge des non-juristes que la situation est des plus complexes et qu'il existe à vrai dire trois situations de copyright, dont l'une au moins a semé le trouble dans la pratique du vocabulaire.
C'est à un essai de clarification de ces trois situations que s'emploie cet article.

Royaume-Uni : du copy right au copyright

En réalité, le tout premier système de protection de la création des auteurs a été créé au Royaume-Uni au tout début du 18ème siècle. Une acte connu sous le nom de Statute of Ann, du nom de la reine de Grande-Bretagne et d'Irlande qui signa le texte, fut publié en 1709. Il garantissait à l'auteur le droit de contrôler, voire de se faire payer, la reproduction de son œuvre, d'où l'expression Rights in copies ou en raccourci Copy Right désignant ce droit.

Pour l'histoire, ce n'est que vers les fin du même siècle que la France, par voie de jurisprudence sous l'Ancien Régime, d'initiative privée (Beaumarchais créant la SACD en 1777) puis par la voie de deux lois révolutionnaires de 1791 et 1793, se dota d'outils juridiques de protection des auteurs sur leurs œuvres, en s'inspirant de nos voisins britanniques, ainsi que Le Chapelier, rapporteur de la loi de 1791 le souligna dans ses déclarations.

C'est un peu plus tard que le terme aggloméré de Copyright est attesté, dans l'Engraving Copyright Act de 1734. Cette notion de Copyright va évoluer au sein du Royaume-Uni puis de l'Empire britannique, au point que les actuels pays du Commonwealth sont héritiers de ce système juridique.

C'est donc la toute première acception du mot copyright.

États-Unis : un système de copyright autonome

Les colonies ayant pris leur indépendance en 1776, devenant les États-Unis d'Amérique, consacrèrent dès leur Constitution (1787) le droit exclusif pour les auteurs d'exploiter leurs écrits pour une période limitée (article 1er, section 8, point 8). Et le premier Copyright Act des États-Unis date du 31 mai 1790 et connaîtra des évolutions continues jusqu'à nos jours. Il est à noter qu'il existe 51 systèmes juridiques de copyright américains puisque chaque État fédéré possède sa propre législation, chapeautée par une loi fédérale (le Titre 17 du Code fédéral de États-Unis).

C'est donc la seconde acception du mot copyright puisque les deux systèmes juridiques sont sensiblement différents.

La convention dite "universelle" du droit d'auteur et la mention de copyright

Jusque-là, la notion de copyright était cantonnée aux pays anglophones, avec les deux systèmes distincts que nous venons de mentionner, sans trop de risque de confusion. Celle-ci est venue d'une convention internationale de droit d'auteur qui a connu son heure de gloire, mais est aujourd'hui largement en perte de vitesse : la Convention de Genève, signée en 1952.

Cette convention fut promue par les États-Unis dans l'immédiate après-guerre mondiale. On la qualifia d'universelle (c'est dans son titre officiel) parce qu'à l'époque elle était la seule qui fût signée par les États-Unis, toujours absents de la Convention de Berne de 1886, au moins pour des raisons de technique juridique et parce qu'elle avait vocation à couvrir mieux que le texte de Berne l'ensemble des pays du globe, y compris les pays en développement. L'avenir allait monter que ce n'est pas ce qui advint puisque c'est aujourd'hui la Convention de Berne qui est ralliée par 167 pays dans le monde.

À l'époque, le système de copyright américain conditionnait la protection des œuvres d'auteur à leur dépôt au Copyright Office. Les États-Unis imposèrent donc dans cette convention un formalisme minimum, plus léger certes qu'un dépôt : les auteurs ressortissants de l'un quelconque des pays signataires de la convention doivent apposer un signe particulier sur leur œuvre s'il souhaitent voir leur œuvre protégée dans les autres pays de "l'union de Genève". L'article 3, 1 prévoit que ce signe sera le fameux © suivi du nom du titulaire des droits et de l'année de première publication.

C'est à partir de cette disposition que l'habitude a été prise de toujours apposer cette mention de copyright sur les publications, notamment dans l'édition de livres ou de périodiques : c'était le seul moyen de garantir la protection des œuvres ainsi publiées dans tous les pays signataires de cette convention. À ce jour, ce sont 100 États qui sont membres de l'union de Genève, soit signataires par eux-mêmes, soit successeurs d'États signataires (comme ceux de l'ex-Yougoslavie), ce qui ne représente qu'une grosse moitié des États reconnus par l'ONU (193 à ce jour).

C'est cette mention de copyright qui va faire que le grand public confond assez généralement les systèmes juridiques de copyright et la mention de copyright.

Force très relative de la mention de copyright dans le monde

En outre, pour des raisons de technique juridique, la mention de copyright n'a pas de valeur juridique contraignante dans les 167 pays du monde ayant signé la Convention de Berne, et n'en a jamais eue en France. Malgré cela, cette mention continue d'être employée partout pour des raisons signalétiques (cela permet d'identifier le titulaire des droits) et psychologiques (si l'auteur a pris la peine de mentionner son copyright, c'est qu'il n'est pas disposé à se laisser pirater son œuvre).

En savoir plus

Voir l'article 1er, section 8 point 8 de la Constitution des États-Unis :
En anglais : https://www.senate.gov/civics/constitution_item/constitution.htm#a1_sec8
En français : http://mjp.univ-perp.fr/constit/us1787.htm#1

Voir l'article III, 1 de la Convention universelle sur le droit d'auteur gérée par l'Unesco, sur son site :
http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=15381&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html

Voir la liste chronologique des États signataires de cette convention sur le même site :
http://www.unesco.org/eri/la/convention.asp?KO=15381&language=F

Didier FROCHOT