La Cour européenne des droits de l'Homme a récemment rendu un arrêt précisant les contours de la liberté d'expression d'un salarié dans le cadre de son travail.
Les faits en bref
En 2011, M. Csaba Herbai, ressortissant hongrois, travaillait au service des ressources humaines d’une banque, et il contribuait également à un site Internet sur lequel étaient postés des articles à caractère général sur les pratiques en matière de ressources humaines.
Au mois de février, la banque le licencia au motif que les articles publiés par lui sur le site avaient violé les règles de confidentialité et nui à ses intérêts financiers. Elle ajoutait que sa situation professionnelle lui permettait de disposer de renseignements dont la publication aurait été contraire aux intérêts commerciaux de la banque.
M. Herbai contesta son licenciement devant les tribunaux, la Kúria se prononçant en définitive en faveur de la banque, observant que son comportement avait pu présenter un risque pour les intérêts commerciaux de son employeur.
Le requérant forma un recours constitutionnel, soutenant que les tribunaux n’avaient pas tenu compte de son droit à la liberté d’expression. La Cour constitutionnelle le débouta au motif que le contenu du site Internet n’était pas protégé par la liberté d’expression en raison du fait que les articles ne concernaient pas des questions d’intérêt public.
Le recours devant la CEDH
Invoquant l’article 10 sur la liberté d’expression de la Convention européenne des droits de l’homme, le requérant s'est plaint de son licenciement motivé par la publication de ses articles en ligne le 2 mars 2015. L'arrêt a été rendu le 5 novembre dernier.
Il apparaît que les articles que le salarié a rédigés pour le site Internet étaient consacrés à des questions d’intérêt professionnel et public car ils concernaient des modifications des règles de l’impôt sur le revenu, mais d’une manière générale et sans lien direct avec son employeur. Or les tribunaux, en niant la qualité d'intérêt général des articles, n’ont tenu aucun compte de la violation du droit à la liberté d’expression du salarié.
La Cour ne voit donc aucune réelle mise en balance des intérêts en question, les deux juridictions supérieures ayant jugé que le droit à la liberté d’expression de M. Herbai soit n’était pas entré en jeu, soit n’avait aucune pertinence. L’issue du litige professionnel a été purement dictée par des considérations contractuelles entre la banque et le requérant, privant de tout effet le droit de ce dernier à la liberté d’expression.
La Cour conclut que les autorités internes n’ont pas démontré de manière convaincante que le rejet de la contestation de son licenciement par M. Herbai reposait sur un juste équilibre entre les droits de chacune des parties. Elles n’ont donc pas satisfait à leur obligation découlant de l’article 10 et il y a eu violation de cette disposition.
Source : Communiqué de presse de la CEDH en français à télécharger en pdf (131 ko).
Voir l'arrêt en texte intégral sur le site de la CEDH (uniquement en anglais).
Voir aussi le commentaire publié sur le site Droit & Technologie, publié le 13 novembre par Me Etienne Wery : "Liberté d’expression du salarié : les juges vont devoir s’adoucir".