Google My Business face à la justice française

Pour la première fois, un juge français vient d'ordonner la suppression de la fiche Google My Business d'un professionnel.

Les faits en synthèse

Un chirurgien-dentiste avait constaté que lorsqu'on tapait son nom dans le moteur Google, apparaissait dans un cadre à droite des résultats, une fiche le concernant, fournissant ses prénom, nom et adresse, les horaires de son cabinet ainsi que des avis de patients dont certains se sont révélés "illicites", selon l'ordonnance de référé.
Or jamais ce professionnel n'avait sollicité Google pour bénéficier de cette fiche. Constatant cet état de fait et les avis négatifs postés de manière fantaisiste, pour ne pas dire dans la seule intention de nuire, le professionnel a demandé à Google la suppression de trois avis litigieux, ainsi que, sur le conseil de son avocat, la suppression complète de sa fiche et l'octroi de dommages-intérêts du fait des avis illicites.
Google ayant opposé une fin de non recevoir à ces demandes, le dentiste a assigné Google France et Google Inc. en référé, le 20 octobre 2017.

Le tribunal de grande instance de Paris vient de rendre son ordonnance de référé le 6 avril, ordonnant donc la suppression de la fiche en question.

Des fondements juridiques particulièrement intéressants

L'avocat du plaignant s'est porté assez naturellement sur le terrain de la protection des données à caractère personnel, constatant que la création de la fiche aux nom et prénom du professionnel à la seule initiative de Google Inc. constituait un traitement de données à caractère personnel et portait atteinte au principe du consentement de la personne concernée, prévu à l'article 7 la loi Informatique, fichiers et libertés, atteinte pénalement sanctionnée par l'article 226-18-1 : 5 ans de prison et 300 000 € d'amende.

Sans entrer plus avant dans l'examen des faits et dans la demande de suppression des avis, le tribunal ordonne donc la suppression pure et simple de la fiche du praticien, sous une astreinte de 1000 € par jour de retard au-delà des 15 jours que les juges donnent à Google à partir de la notification de l'ordonnance. Elle condamne en outre Google à 3500 € de dommages-intérêts à verser au plaignant au titre de l'article 700 du code de procédure civil (frais de justice occasionnés du fait du premier refus de Google).

Une nouvelle avancée jurisprudentielle contre Google

L'ordonnance de référé pose un intéressant jalon dans la lutte que se livrent depuis des années les justiciables français (et européens) contre l'inertie de Google, toujours prompt à refuser d'appliquer le droit français ou européen.
La décision est remarquable en ce qu'elle analyse et argumente en détails les motifs par lesquels elle tranche en ce sens. On y trouve notamment écartée, classiquement, la distinction entre donnée personnelle qui serait forcément protégée pour la vie privée et donnée professionnelle :
"Toute information qui permet l’identification d’une personne physique, comme ses nom et prénom, son adresse ou son numéro de téléphone, est constitutive d’une donnée à caractère personnel. La circonstance que de telles données soient relatives, comme en l’espèce, à l’activité professionnelle de la personne en question est donc sans incidence sur cette qualification, dès lors qu’elle est désignée ou rendue identifiable, la notion n’étant pas restreinte, contrairement à ce que soutient la défenderesse, aux seules informations relatives à la vie privée."

Cette prise en compte très large de la qualification de donnée à caractère personnel est devenue la règle dans toute la législation européenne et le sera plus encore lorsque le RGPD sera pleinement entré en vigueur le 25 mai prochain.

La coupable inertie de Google

Les nettoyeurs du net que nous sommes ne sont que trop habitués à l'inertie de Google, qu'il s'agisse de demandes de déréférencement, ou plus encore concernant les avis parfois injurieux ou diffamatoires publiés sur les fiches Google My Business des entreprises. Google refuse systématiquement de jouer son rôle de gestionnaire d'avis de consommateurs, tenu à un certain nombre de règles d'informations au public aux termes de la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016.
Il semble donc que seule la voie judiciaire puisse faire avancer les choses face à ce géant de web.

En savoir plus

Lire l'ordonnance de référé du TGI de Paris du 6 avril dernier sur Legalis.net :
https://www.legalis.net/jurisprudences/tgi-de-paris-ordonnance-de-refere-du-6-avril-2018/

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Didier FROCHOT