Un long article intitulé "Ce que gagnent les écrivains" a été publié dans L'Express du 2 avril dernier, sous la plume de Delphine Peras.
Cet article étudie notamment, au travers d'exemples prestigieux (d'Ormesson, Dutour, Sagan...) le pourcentage du prix de vente d'un livre reversé à son auteur. Un très intéressant schéma illustre la répartition du prix d'un livre entre l'éditeur, le libraire, le distributeur et d'autres partenaires. On y voit que la part de l'auteur — sans lequel, bien sûr, le livre n'existerait pas — est scandaleusement faible, rapporté à la valeur ajoutée par celui-ci sur l'objet livre. Ce schéma statistique circulaire a un nom : c'est un fromage. Le jeu de mot est trop tentant pour que nous y résistions... Et l'on s'aperçoit que dans ce fromage, bien des souris (le terme de rat serait moins courtois...) s'y taillent une belle part, plus belle que celle, congrue, de l'auteur.
On ne nous a toujours pas expliqué pourquoi la part de l'auteur était si mince alors que son apport intellectuel — essentiel — est au moins de 50% de la valeur totale du livre.
Le modèle économique de l'édition classique touche sans doute à sa fin, dans un contexte de commerce électronique qui favorise de plus en plus la relation directe et immédiate entre producteur et consommateur, au mépris des intermédiaires. Rappelons notre slogan : "Producteur d'artichauts, auteurs, même combat !" et notre lutte en faveur d'un commerce équitable de l'auteur.
Mais aujourd'hui, l'Internet pourrait bien se passer des distributeurs, des libraires, et même et surtout des éditeurs, bouleversant considérablement le modèle économique de l'édition.
Déjà certains auteurs préfèrent s'auto-éditer sur le net, se contentant de faire imprimer et livrer leurs œuvres au coup par coup et gagner ainsi jusqu'à 70% du prix de vente de leurs ouvrages. C'est l'objet d'un autre article de L'Express : "Marc-Edouard Nabe : auto-éditeur" de Jérôme Dupuis (1er avril 2010). "Pourquoi me contenterais-je de 10 % de droits d'auteur, alors que je peux en toucher 60 ou 70 % ?", ainsi débute l'article...
Mais avec l'avènement du livre électronique (e-book) de génération "adulte", c'est-à-dire sur lesquels des habitudes de lecture directe vont se développer, rien n'interdit à tout un chacun de publier ses œuvres sans même les imprimer. Et gageons que l'Écologie volera au secours de ce modèle économique puisque éviter le papier, c'est ne plus abattre de forêts ; c'est donc "bon pour la planète", un slogan "incontournable", aujourd'hui irrationnel mais dictatorialement indiscutable.
Le monde de l'édition a donc du souci à se faire. Après avoir largement exploité les auteurs — le Nouvel Observateur avait publié un article cinglant sur les moeurs de l'édition sous la plume d'Anne Crignon initulé "La jungle du livre" (20 février 2003, n°1998) — le monde de l'édition, déjà mal en point, va devoir se livrer à des révisions déchirantes.
N'oublions pas non plus le formidable mouvement de l'Open Access, véritable tsunami du droit d'auteur, mené par de nombreux auteurs qui ne supportent plus d'être exploités par des intermédiaires alors même que leur souhait à eux — par-delà une rémunération qui ne les intéresse pas forcément — est de partager leurs connaissances et de se faire connaître, au nom des échanges et partages humains gratuits.
Voir sur le site de L'Express en ligne :
- Ce que gagnent les écrivains :
www.lexpress.fr/culture/livre/ce-que-gagnent-les-ecrivains_859800.html
- Marc-Edouard Nabe : auto-éditeur :
www.lexpress.fr/culture/livre/marc-edouard-nabe-auto-editeur_859801.html
Voir notre actualité du 17 mars 2008 : Producteur d'artichauts, auteurs, même combat !
Voir notre article du 17juin 2005 : Questions naïves sur la valeur ajoutée de l'auteur.
Voir notre Dossier spécial "Libre" dont est issu le précédent article.